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Y a des choses que j’aime, mais que j’aime vraiment, profondément, qui me font sentir des choses dans mon ventre et dans ma poitrine comme une explosion ou quelque chose comme ça de très puissant.

Puis y a des choses que j’aime pas. Celles-là elles me font sentir racrapotée (mais j’aime bien le mot racrapotée, racrapotée, racrapotée, racrapotée), elles font se tendre tous mes nerfs, mes tendons, mes muscles, je sens comme si mes cellules voulaient partir très très loin de ces choses que j’aime pas, comme si elles essayaient de courir se planquer dans un coin, là où il n’y aurait plus ça.

Et y a la petite voix qui sait tout mieux qui dit qu’il faut pas aimer ou pas aimer, qu’il faut accepter, accueillir, observer, blablabla… Elle dit que c’est les petits tous faibles qui ont des préférences, que les grands, les sages et intelligents ils ont compris depuis longtemps que aimer / pas aimer ça sert à rien, ça fait souffrir, passer à côté de l’essentiel et tout et tout.

J’ai beaucoup écouté cette voix vu qu’elle sait mieux que les autres, faut dire qu’elle est forte, elle est grande, quand elle parle les autres se sentent tous petits petits.

Mais aujourd’hui il pleut. Je marche dans la rue, j’écoute Ludovico Einaudi qui s’énerve sur son piano et je sens une putain de révolution se construire dans mon corps. Toutes ces voix qui aiment et qui aiment pas ont trouvé un chemin où l’autre voix n’est pas et du coup elles me parlent : « j’aime le chocolat, le chocolat plus que tout, je choisis le chocolat, toujours, j’aime les visages quand ils ne parlent pas, quand ils s’arrêtent dans le silence et quand il semblerait que l’âme qui vit dans le visage a tout à coup plus de place, arrive de l’intérieur et vient se poser sur la peau des joues, sur les cils, les lèvres, tous les traits, dans les yeux, les pupilles, quand chaque mouvement du visage devient un morceau de Sigur Rós beau et intense, plein, rempli de vie, d’histoire, de présence, j’aime me sentir femme quand je pose mes mains sur ma taille et je sens le creux qui souligne les hanches et le haut de mon corps, comme si cette ligne disaient « je suis femme, regarde comme je suis femme », j’aime quand dans moi tout s’ouvre et être moi devient une fenêtre vers tellement tellement de possibilités, quand je vois des inconnus magnifiques passer comme des visions d’une autre vie, dans ma tête, quand je sens des sensations nouvelles qui viennent d’un espace inexploré et me chuchotent des aventures excitantes, j’aime être obsédée par un vêtement, un objet, des chaussures, un t-shirt, un gilet, un collier et le porter encore et encore et encore, les années passent et je le porte toujours, il devient vieux, troué, abîmé et je le porte toujours, comme si c’était un ami très intime dont je suis fière même si les gens me regardent en ayant l’air de dire « quand même, tu pourrais mieux t’habiller, soigner ton apparence un peu plus… » j’aime ça, je me sens fidèle à cet amour pour cet objet, envers et contre tous… »

J’aime tout ça et c’est si bon de pouvoir le dire, le vivre, le ressentir.

Je n’aime pas plein de choses, mais je n’ai pas envie de parler de ces choses-là, maintenant.

En tout cas j’aime emmerder la voix qui sait tout mieux et raconter tout ce que j’aime et que j’aime pas car je suis humaine et c’est aussi ça, aimer aimer et ne pas aimer, aimer avoir des préférences, être différent, unique, tellement pareil.

J’aime la chanson « it takes a lot to know a man » de Damien Rice, je l’aime, je l’aime, je l’aime.